Nous sommes sur la plaine de Plainpalais au milieu de la ville, et si nous avons choisi ce lieu pour parler aujourd'hui des reprises (the recoveries?) de Kant dans la philosophie contemporaine, dans l'éthique contemporaine, c'est parce que, en réalité la pensée de Kant, même si elle nous paraît parfois un peu abstraite, touche l'ensemble de la vie des gens qui vont passer derrière nous ce matin.

Nous sommes en effet tous les héritiers des Lumières.

Et notre attachement à la liberté, notre attachement au fait que nous devons penser par nous-mêmes (that we think for ourselves), et que nous refaisons (we refuse) que d'autres, parce qu'ils auraient un accès privilégié à la vérité, nous imposent leur conception de notre vie morale.

Eh bien tout cela vient de Kant (it all comes from Kant).

Vient des Lumières et de Kant en particulier.

Nous pensons l'éthique avec une raison post-métaphysique.

Post-métaphysique veut dire que rien ne doit être admis qui ne soit argumenté (nothing should be admitted that is not argued).

Pour lequel on donne des raisons, et des raisons qui nous convainquent.

Nous sommes tous attachés à l'autonomie.

Au fait que (The fact that) c'est par nous-mêmes que nous devons penser.

Nous sommes tous attachés au respect qu'on nous doit et que nous devons aux autres.

Toutes ces questions-là, qui sont des questions en réalité très pratiques, très concrètes, viennent de la philosophie des Lumières.

Il y a même dans nos démocraties occidentales un héritage kantien beaucoup plus profond encore (much deeper).

Toutes les démocraties sont partagées entre deux pôles.

Un premier pôle, c'est le pôle qu'on peut dire républicain.

Dans ce pôle républicain, le cadre qui est fixé à nos décisions politiques (the framework that is set for our policy decisions), ce cadre ne peut être modifié que par la volonté du peuple.

Le peuple est souverain.

Il est souverain par ses décisions libres.

Mais les démocraties, c'est aussi un autre pôle.

L'exercice de la souveraineté du peuple est liée, conditionnée même, par les lois de la liberté.

Ces lois de la liberté ce sont les droits de l'homme, les droits humains, ce sont aussi le droit des gens ou le droit des peuples, c'est-à-dire le droit de chaque peuple à pouvoir disposer de lui-même.

Cette articulation entre deux pôles, ce pôle républicain et ce pôle des droits qui conditionne la liberté, c'est un héritage de Kant.

Souvenez-vous : nous ne sommes libres que lorsque nous obéissons à notre devoir (when we obey our duty), et notre devoir formulé par exemple dans l'impératif catégorique, c'est de reconnaître tout être humain comme égal à nous-mêmes.

Il y a donc véritablement un héritage profond des Lumières et de Kant en particulier, jusque dans notre vie la plus quotidienne au sein d'une démocratie.

Et pourtant, le modèle de Kant aujourd'hui subit un certain nombre de critiques profondes (is undergoing a number of deep criticisms), depuis déjà à vrai dire plus d'un siècle.

Ce que nous voudrions voir maintenant, c'est comment du point de vue même de la famille de Kant, de ses héritiers en quelques sortes, il s'agit de reformuler le projet kantien, à la mesire des enjeux qui sont les nôtres aujourd'hui.

Et pour cela nous regarderons principalement deux critiques de Kant et deux réponses qui vont être portées par les héritiers de Kant (which will be carried by the heirs of Kant).

La première grande critique sera de dire que tout le système kantien repose sur la conscience, mais est-il évident, est-il même sûr, est-il même possible que la conscience soit en nous-mêmes, en chacun de nous, l'écho du devoir.

Le lieu où nous allons entendre le devoir et trouver la motivation de suivre notre devoir.

Ça, ce sera une grande critique à laquelle va essayer de répondre en particulier l'école de Frankfort et un courant (a current?) qu'on appelle l'éthique du discours, Discourse ethic, incarné notamment par les figures de Jürgen Habermas et de Karl-Otto Apel.

Et puis l'autre grand questionnement qui va être adressé à Kant, ce sera de dire que, peut-être que en réalité aujourd'hui, nous percevons beaucoup plus qu'il y a deux siècles combien ce monde est fragile, en particulier par l'évolution de la science et de la technique, et que nous devons donc essayer de trouver des réponses qui ne soient pas simplement les réponses de notre intention et de notre volonté, mais qu'il y a, par la fragilité même du monde, une nouvelle conception de la responsabilité qui doit émerger, une responsabilité qui ne regardera pas simplement ce que nous voulons faire, ce que nous avons l'intention de faire, mais ce que nous devons faire pour pouvoir assurer une place à la vie des hommes dans les générations qui viennent et de pouvoir rendre ce monde habitable, vivable, pour aussi tous les autres vivants qui y habitent.

Et ce courant-là sera incarné notamment par un grand philosophe contemporain qui s'appelle Hans Jonas, et dont le livre, Le principe responsabilité, a été le livre de philosophie le plus vendu au XXe siècle.

Et puis, nous regarderons enfin une autre critique qui sera faite à Kant (when will be made at Kant), est-il certain que le politique ait la place que voulait lui donner Kant (that Kant wanted to give it)?

J'ai commencé en vous disant combien l'héritage de Kant était présent dans les démocraties libérales, mais est-ce que l'évolution du monde aujourd'hui, l'envahissement de la logique (the invasion of logic) de l'économie, n'oblige pas à repenser le lien entre la mondialisation et le projet universaliste des Lumières, et pour cela nous regarderons un aspect de l'oeuvre d'un autre philosophe contemporain, qui s'appelle Paul Ricoeur, philosophe français qui est mort il y a quelques années.

Voilà le programme de ces reprises (these recoveries) kantiennes pour aujourd'hui, et nous vous invitons à poursuivre le parcours avec nous.